Valorisation des sargasses : lancement de deux projets aux Antilles françaises

La ressource en algues sargasses est ardue à gérer : d’une part elle contient des métaux lourds, d’autre part le phénomène est saisonnier et irrégulier. Cette complexité aurait pu freiner les initiatives de valorisation ; pourtant, les sargasses continuent de mobiliser le monde de la recherche et de l’entrepreneuriat, générant aujourd’hui de réels potentiels de transformation.

Une filière de valorisation à forte valeur ajoutée permettrait de rentabiliser, même partiellement, les opérations de collecte et transport. C’est dans ce sens que l’ADEME suit et accompagne depuis plusieurs années des projets de valorisation. Les sujets explorés sont très variés, allant de la nutrition animale à la phytothérapie… Depuis cette année, l’Agence apporte notamment son soutien aux deux premiers projets de pilote industriel aux Antilles.

Terre d’algues : développer le secteur du BTP aux Antilles

L’objectif de Terre d’algues est de produire des biomatériaux (briques, panneaux…) pour le secteur du BTP. Le projet, situé en Martinique, est né du constat d’un manque de valorisation de certains matériaux comme l’argile, le tuf ou le bois dans le secteur de la construction aux Antilles.

Porté par IN SITU Architecture, en collaboration avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et les sociétés Nobatek INEF4 et Tox’Sea’In, Terre d’algues doit aboutir à l’élaboration d’un matériau de construction dont la production aurait un très faible impact énergétique. Celui-ci serait composé jusqu’à 85 % d’algues sargasses, mais également de terre et de liants naturels.

Ce projet, d’un coût d’environ 700 000 €, a une durée prévisionnelle de 24 mois. Dans un premier temps, la faisabilité d’utilisation des écomatériaux au regard des normes actuelles sera étudiée. Les écomatériaux seront ensuite expérimentés en conditions réelles, et enfin à plus long terme, commercialisés.

Sargasse Project : la pâte à papier de Saint-Barth

Sargasse Project n’a plus besoin de présentations : déjà lauréat de la catégorie Start du concours Innovation Outremer, il a récemment reçu le Grand Prix Tech4Islands, organisé par la French Tech Polynésie.

Porté par Pierre-Antoine Guibout, installé à Saint-Barthélemy, le projet a pour objectif de produire de la cellulose moulée en Guadeloupe. Cette pâte, une fois séchée, ressemble à une feuille de papier : ses propriétés cellulosiques sont en effet similaires, comme démontré avec l’appui technique du laboratoire CEVA en Bretagne. Quant aux premières analyses de métaux lourds sur les produits ainsi fabriqués, elles affichent des teneurs comparables à celles mesurées habituellement sur des papiers et cartons d’emballage, selon Sargasse Project.

Ce projet est également prévu pour durer 24 mois, pour un coût total d’environ 350 000 €. Aujourd’hui toujours en phase d’études techniques auprès de laboratoires industriels de RDI, Sargasse Project doit ensuite se concrétiser avec une production à grande échelle. Afin de faciliter cette deuxième phase, l’ADEME prévoit une mise en relation avec les acteurs locaux du secteur.

Aujourd’hui les tonnages de sargasses collectés sont conséquents, en Guadeloupe comme en Martinique, mais faiblement valorisés. Seul le compostage industriel avec d’autres biodéchets est pratiqué. Il est donc nécessaire de poursuivre la recherche en matière de valorisation. Ces deux projets peuvent en être la vitrine, et encourager ainsi le développement de nouvelles initiatives.